Récit de guerre - War 110
La nuit où Turncoat a tenu
Histoire d’un soldat — La nuit où Turncoat a tenu.
Contexte
Voilà trois guerres que j’ai été enrôlé. Je ne cumule qu’une centaine d’heures de jeu, ce qui, dans l’univers impitoyable de Foxhole, fait de moi un simple cadet — un nouveau-né, à peine sorti de son berceau militaire. Ici, on dit qu’on ne commence à comprendre le jeu qu’après le millième d’heure, et qu’on ne devient « vétéran » qu’après en avoir passé deux mille. Alors croyez-moi : quand je dis que je ne suis qu’un bébé, c’est presque un euphémisme.
J’ai débarqué pendant la Guerre 109, mais l’histoire que je vais vous raconter s’est déroulée à la suivante : la Guerre 110. C’est à ce moment que j’ai enfin compris ce que signifiait QRF — la Quick Reaction Force. La force de réaction rapide. Quand une attaque est détectée, tous les soldats disponibles sur la carte foncent vers le point chaud pour défendre, parfois jusqu’à la mort.
Turncoat
Parmi ces points cruciaux, Turncoat, dans la région d’Allods Bight, tient une place à part. Ce village abrite l’accès à un Victory Point stratégique. Construire un bunker ici permet de bloquer presque toute offensive ennemie avec quelques canons bien placés. Et cette position, c’est Tsekho, une légende du jeu, qui l’a fortifiée. Sa base, massive, presque mythique, est devenue un symbole — un bastion de béton dont on racontait qu’il fallait des centaines d’heures pour l’ériger.
L’alerte
Nous étions au 22e jour de guerre, 3 heures du matin. Je faisais de la logistique avec mon camarade Pidoudoum. On riait, fatigués mais heureux, à trimballer nos caisses dans la nuit. Deux bleus, deux copains qui apprennent ensemble.
Et soudain, les transmissions Wardens globales se sont enflammées :
« Turncoat est attaqué ! Turncoat est attaqué ! »
Les ordres ont suivi immédiatement :
QRF générale.
Tous les soldats disponibles sont appelés à défendre la base.
Pidou m’a regardé, les yeux écarquillés.
— « Déploie-toi là-bas, vite. »
Alors j’ai obéi.
Au cœur de Turncoat
Quand je suis arrivé à Turncoat, le monde explosait littéralement. Le sol vibrait sous mes bottes, les murs grondaient, les cieux crachaient du feu. Une armée entière s’agitait dans le vacarme, chaque soldat courant à son poste, criant des ordres que je ne comprenais pas encore.
Avec Pidou, on était perdus. La base était gigantesque : des centaines de blocs de béton imbriqués, des tunnels, des fortifications… On racontait que Tsekho y avait mis tout son savoir et que, quelque part, un peu de magie noire avait dû être utilisée pour que cette forteresse tienne debout.
Des voix hurlaient :
- RSC !
- 300 mm incoming !
- Réparez la ligne nord !
On courait sans savoir où aller, écrasés par le bruit, les explosions, les secousses. Et puis Orion, un officier de notre régiment, nous a saisis au vol :
— « Vous deux ! Prenez du Bmat et réparez, maintenant ! »
Tenir la base
Pas le temps de réfléchir. On a foncé au stock, les bras chargés de matériaux. Autour, des colonels, des brigadiers, des généraux — tous des vétérans aux milliers d’heures de jeu. Et au milieu de ce maelström : deux bleus, tremblants, essayant juste de faire quelque chose d’utile.
Les obus tombaient sans interruption. Des 300 mm, encore et encore. Le ciel ne s’éteignait jamais. La terre était devenue liquide sous nos pieds.
Mais malgré le chaos, la logistique ne s’arrêtait pas. On a vu les plus grands régiments du front débarquer, livrant crate après crate de Bmat. Neuf cents crates au total — plus de 90 000 matériaux utilisés pendant la bataille. Un flot continu d’efforts, de camions, de bras, de volonté.
Pendant un moment, la peur s’est transformée en automatisme. Réparer, replacer, reconstruire. Et puis une rumeur a couru dans les transmissions :
« Les Balistas arrivent. »
Les Balistas — ces chars suicides, conçus pour pulvériser les bâtiments. Mon sang s’est glacé. Même les vétérans autour de nous avaient cessé de parler. On savait que s’ils atteignaient la base, tout s’effondrerait.
Et pourtant, le miracle s’est produit. Les Balistas se sont empalées sur une petite base au sud, à quelques centaines de mètres. On a senti le souffle des explosions, mais Turncoat a tenu.
L’accalmie
Après une heure et demie de bombardement, le vacarme s’est arrêté. Plus de tirs, plus de sifflements d’obus, juste nos respirations saccadées dans le bunker fumant. Pidou et moi, trempés de sueur, les mains couvertes de sang et de poussière, on s’est regardés sans dire un mot. On venait de vivre l’enfer.
Le bilan
Plus tard, un vétéran m’a confié :
« Cette nuit-là, plus de 3 000 obus de 300 mm sont tombés sur la base.
Et elle n’a pas cédé. »
Elle a tenu grâce à tous : aux généraux, aux ingénieurs, aux logisticiens, et à toutes ces petites mains anonymes qui réparaient sans comprendre, mais sans jamais fuir.
Cette nuit-là, à Turncoat, j’ai compris ce que signifiait être un soldat de Foxhole.
